AU coeur de la baleine

Le plus impitoyable des chasseurs de baleines tombe au large des eaux glacées du Labrador lors d’une pêche haletante et sauvage. Le temps et l’espace basculent lorsque le terrible harponneur comprend que son cœur mourant bat dans celui d’une baleine. Accident métaphysique, expérience illimitée, cette incroyable aventure nous interroge sur le cycle de la vie et ses métamorphoses au cœur du vivant.

unnamed.jpg

Le spectacle a été créé et joué une soixantaine de fois au Musée de la baleine de Tadoussac en 2014, à la jonction de la rivière Saguenay et du fleuve St Laurent, point de rencontre des eaux salées et des eaux douces, dans cette baie magnifique que les baleines visitent depuis toujours, où les chasseurs basques se sont installés à partir du XVème siècle.

Les terribles conditions de pêche dans les eaux glacées du Labrador à l’époque de la grande chasse, la taille gigantesque des animaux et l’affrontement mythique de l’homme et de la bête ont imposé d’emblée une figure de proue héroïque et un souffle épique au récit, mais sous la grande histoire des chasseurs basques en Nouvelle France, coule une autre histoire. Une histoire qui pose des questions toujours actuelles et plus que jamais pertinentes sur notre relation à la terre et au monde animal. De quelle façon traitons-nous la nature et quelles sont les lois qui nous y autorisent ?

Poser le rapport conflictuel de l’homme au monde et s’interroger sur les solutions qui pourraient y remédier font partie des fonctions premières et civilisatrices du conte.

En confrontant Pat Cartier, le tueur de baleine, figure mâle et monolithique du pionnier conquérant, à la peur de la mort et de la disparition, j’ai voulu ouvrir une faille dans la cuirasse, percer une voie d’eau qui provoque la bascule.

L’alternance entre les points de vue du chasseur et de la proie, entre microcosme et macrocosme ainsi que l’irruption du merveilleux dans le récit, ajoutent une confusion des frontières identitaires qui conduit à une reconnaissance intime de l’autre.

Lorsque le liquide envahit les poumons pour y remplacer l’oxygène, le tambour binaire s’arrête et la ligne temporelle et linéaire du récit s’inverse. Alors commence pour le chasseur une dérive intérieure, un voyage initiatique vers l’origine, vers un état de conscience qui relie l’homme à l’animal toujours vivant et présent en lui.

Il n’y a pas si longtemps, ne flottions-nous pas tous dans les eaux salées d’une autre mère ?

Lorsque l’éclair de feu du harpon tombe du ciel, frappe la surface du monde, fend la graisse et descend vers le cœur de la bête pour y prendre la vie, étonnamment il y trouve l’enfant, toujours porteur d’espoir…

S’il est des mots, des récits, des chants qui tentent de réparer, de recoller, de retourner à l’essentiel, de retisser le lien vers le mystère et le merveilleux, celui-là a cette vocation…

Le texte original AU CŒUR DE LA BALEINE a été édité en Belgique par les éditions f/Deville et adapté pour la radio par la RTBF (La première, Par oui-dire, Pascale Tison)